Dimanche 10 octobre 2010

Il fait bon ce matin, frais mais bon.
Levé dès potron minet, Johan s’étire en regardant le paysage devant lui. Il a trouvé refuge pour la nuit aux alentours de la ferme des Templiers, sur les coteaux de Coublevie. C’est un pèlerin comme lui, rencontré vers les pâturages de Saint Auprès, qui lui a indiqué l’endroit. Enfilant son manteau et armé de son bâton de marche, il reprend son périple vers la plaine en chantonnant, tout heureux du beau temps que le Seigneur lui envoie comme compagnon de route. Chemin faisant, il rejoint force chariots emplis de victuailles, de volailles, de tonnelets de vins et plus encore.
-« Holà l’ami » dit-il à l’un des conducteurs, « où allez-vous ainsi par cette belle matinée ? »
-« Serais-tu étranger que tu ne connaisses donc point la Foire de Saint Jean ? Si tu veux te régaler de bonne pitance, de bon breuvage, de bonnes chansons et farces, monte à mes cotés et faisons route ensemble. »
Et c’est ainsi que notre bon Johan, pèlerin de son état, pose le pied sur la place du marché, l’œil grand écarquillé vers les couleurs chatoyantes des étals, l’oreille prêtée au brouhaha de la foule, et la narine frémissante aux odeurs de viandes rôties, de miel et d’épices variées. Chemin faisant, noyé dans la foule des paysans et bonnes gens, il achète là un bon pain rond en croûte et en mie qu’il s’empresse de rompre pour en saisir la saveur, ici un quart de fromage bien gras pour accompagner le pain et encore de bonnes pommes craquantes et juteuses, tous mets dont il se régale tant il en a été privé lors des longues journées de marche.
-« Tout chela mérite boichon » dit-il la bouche pleine, « voyons che que propoje la Taverne de Maistre Guilhem !! »
-« A moi tavernier, donne-moi à déguster un grand godet d’Hypocras ». A ses cotés, un homme en armes et en ventre s’adresse à lui : « bien le bonjour pèlerin béni de Dieu. Permets à l’humble chevalier de Valleraugue de boire en ta compagnie, à ta santé et à la gloire du Christ ! »
- « Qu’il en soit ainsi » dit à son tour le pèlerin.
-« Quoi, on boit à la gloire du Christ Sauveur sans la présence d’un représentant de la Sainte Eglise ? C’est péché mes frères ! » C’est frère Guilhem qui vocifère ainsi espérant bien qu’on lui paye un coup à boire.
-« Bois et va-t-en bénir la procession qui va se mettre en route avec les Chevaliers du Saint Sépulcre, mécréant ! » dit le Chevalier. Le moine penaud mais ravigoté bénit les buveurs et s’en va remplir son office auprès des Chevaliers à la Croix Rouge, des Damoiselles, des Damoiseaux, des baladins et des badauds…
Mais le temps passe et Johan ne veut rien perdre de ce qui se passe sur le Marché. Aussi parcourt-il les allées faisant provisions de fruits, de fromages, de pain encore et de cochonnailles fumées pour la poursuite de son voyage vers Compostelle. Au hasard de ces achats, il passe devant un groupe de Baladins musiciens et de Damoiselles qui donnent belles chansons et beaux fabliaux rappelant au coquillard le bourg dont il vient et qu’il ne reverra qu’après de longues journées de marche et de prières.
Ainsi s’achève la journée de notre bon Johan qui reprend le chemin vers la plaine du Rhône dans sa quête mystique et humaine, au hasard des rencontres et de la connaissance.

Gilles

MSJ - NOV 2010